OPERATION BARKHANE : Comment l’armée française a neutralisé Droukdel
Le 3 juin, les forces spéciales éliminaient l’émir d’al-Qaida au Maghreb islamique. Récit de l’opération.
L’exercice est rare. Une semaine après l’élimination d’Abdelmalek Droukdel, l’émir d’al-Qaida au Maghreb islamique, l’armée a raconté comment les forces spéciales de la task force Sabre ont « neutralisé » l’une des figures du terrorisme djihadiste au Sahel. « Droukdel était un vétéran du djihad ; il était le troisième adjoint de l’émir d’al-Qaida ; depuis 2012 il avait développé une stratégie d’extension régionale d’Aqmi au Sahel ; il était à l’origine de la création du RVIM (Rassemblement pour la victoire de l’islam et des musulmans), dont il a confié la direction à Iyad Ag Ghali », a souligné jeudi une source proche des opérations lors d’un débriefing avec la presse avant de lever un coin du voile.
La « cible d’intérêt » a été repérée au nord de l’Adrar des Iforas, à 80 kilomètres à l’est de Tessalit, à quelques kilomètres de la frontière algérienne, au nord du Mali. « Depuis deux jours, nous savions que quelque chose se passait, notamment grâce à des signaux électromagnétiques », raconte-t-on au sein de l’état-major. Le centre des opérations dispose notamment de renseignements et d’un appui ISR (intelligence surveillance reconnaissance) américain. D’autres coopérations ne sont pas confirmées. « Aux pays de le dire », dit-on.
Toutes les informations ont été recoupées jusqu’à « avoir un fixe ». Un « suivi visuel » est établi. « Le grade et le nom, cela se fait progressivement », dit-on. Abdelmalek Droukdel est bien identifié. C’est une surprise. Il était supposé se cacher en Algérie, éventuellement près de la frontière tunisienne. La présence sur le terrain de ce stratège du terrorisme est rare. Au sein de l’armée française, on assure ne pas savoir, à ce stade, s’il comptait poursuivre vers le sud ou retourner vers le nord. Quoi qu’il en soit, le conflit entre al-Qaida et Daech au Mali n’est sans doute pas étranger à son déplacement. Les deux forces terroristes sont entrées en guerre violente depuis la montée en puissance de l’État islamique au grand Sahara. L’EIGS fait de l’ombre à al-Qaida. Sur les réseaux sociaux, les partisans de l’EIGS se sont réjouis de la mort d’Abdelmalek Droukdel.
L’opération s’est déroulée de jour. Avec la saison des pluies, les conditions météorologiques, ne laissent pas d’autre choix ce 3 juin. De couleur blanche, la voiture de l’émir et ses quatre accompagnateurs est à l’arrêt lorsque l’assaut est donné. Peut-être ont-ils décidé de bivouaquer. Une natte est étendue non loin. Les hommes sont à l’extérieur de leur véhicule tandis qu’une quinzaine de soldats des forces spéciales progressent discrètement vers eux, dissimulés dans les rochers. Un drone Reaper assure la surveillance et filme l’opération. Trois hélicoptères se tiennent en appui.
Lorsqu’ils ne sont plus qu’à quelques mètres, les échanges de coup de feu ne durent que quelques instants. Un des terroristes cherche à s’enfuir. Il sera capturé vivant, contrairement aux autres, dont Abdelmalek Droukdel et Toufik Chaïb, un autre cadre d’Aqmi, chargé de la propagande et de la coordination entre le RVIM et al-Qaida. « Dans ce genre d’opération, le but n’est pas de tuer », explique-t-on au sein de l’état-major. « Mais quand le combat démarre, nos forces voient des cailloux. Ils ne savent pas qui leur tire dessus. » Ils se défendent. « Nous prenons des assurances pour nos hommes. Les autres sont des combattants. Ce type d’individus ne se rend pas. C’est leur idéologie », raconte-t-on. Aucun blessé n’est à déplorer côté français. Le terroriste capturé, plus jeune, peut-être le chauffeur, a été interrogé par les militaires puis remis aux autorités maliennes pour qu’il soit jugé. Dans le campement, les forces ont pu saisir du matériel : ordinateur, téléphones… Leur exploitation est en cours. Après avoir été formellement identifié, le corps d’Abdelmalek Droukdel a été enterré sur les lieux, assure-t-on côté français.
Symboliquement forte, son élimination ne signifie pas un bouleversement du rapport de force sur le terrain ni un changement dans la stratégie de l’opération « Barkhane », qui a désigné l’EIGS comme ennemi principal et la zone des trois frontières comme zone d’action. Si l’émir d’Aqmi exerçait un magistère évident sur les troupes djihadistes, « sa mort ne change pas directement les choses au sein des alliances locales », souligne Elie Tenenbaum, spécialiste des questions de défense à l’Ifri. « L’homme fort » dans le Nord Mali s’appelle Iyad Ag Ghali, rappelle-t-il. S’il avait prêté allégeance à Droukdel, le combattant touareg n’a pas fermé la porte à des négociations de paix avec l’État malien.
>Cinq mois après le sommet de Pau, qui visait à redonner une impulsion à l’opération « Barkhane » menée depuis 2014 contre les groupes terroristes au Sahel, l’armée française peut revendiquer un succès majeur. La communication, plusieurs jours après les événements révélés par l’AFP vendredi, fait partie d’une stratégie : vis-à-vis de l’opinion publique, soucieuse de l’issue de la guerre, mais aussi vis-à-vis des terroristes, pour les avertir qu’aucun n’est à l’abri.
Le 3 juin, les forces spéciales éliminaient l’émir d’al-Qaida au Maghreb islamique. Récit de l’opération.
L’exercice est rare. Une semaine après l’élimination d’Abdelmalek Droukdel, l’émir d’al-Qaida au Maghreb islamique, l’armée a raconté comment les forces spéciales de la task force Sabre ont « neutralisé » l’une des figures du terrorisme djihadiste au Sahel. « Droukdel était un vétéran du djihad ; il était le troisième adjoint de l’émir d’al-Qaida ; depuis 2012 il avait développé une stratégie d’extension régionale d’Aqmi au Sahel ; il était à l’origine de la création du RVIM (Rassemblement pour la victoire de l’islam et des musulmans), dont il a confié la direction à Iyad Ag Ghali », a souligné jeudi une source proche des opérations lors d’un débriefing avec la presse avant de lever un coin du voile.
La « cible d’intérêt » a été repérée au nord de l’Adrar des Iforas, à 80 kilomètres à l’est de Tessalit, à quelques kilomètres de la frontière algérienne, au nord du Mali. « Depuis deux jours, nous savions que quelque chose se passait, notamment grâce à des signaux électromagnétiques », raconte-t-on au sein de l’état-major. Le centre des opérations dispose notamment de renseignements et d’un appui ISR (intelligence surveillance reconnaissance) américain. D’autres coopérations ne sont pas confirmées. « Aux pays de le dire », dit-on.
Toutes les informations ont été recoupées jusqu’à « avoir un fixe ». Un « suivi visuel » est établi. « Le grade et le nom, cela se fait progressivement », dit-on. Abdelmalek Droukdel est bien identifié. C’est une surprise. Il était supposé se cacher en Algérie, éventuellement près de la frontière tunisienne. La présence sur le terrain de ce stratège du terrorisme est rare. Au sein de l’armée française, on assure ne pas savoir, à ce stade, s’il comptait poursuivre vers le sud ou retourner vers le nord. Quoi qu’il en soit, le conflit entre al-Qaida et Daech au Mali n’est sans doute pas étranger à son déplacement. Les deux forces terroristes sont entrées en guerre violente depuis la montée en puissance de l’État islamique au grand Sahara. L’EIGS fait de l’ombre à al-Qaida. Sur les réseaux sociaux, les partisans de l’EIGS se sont réjouis de la mort d’Abdelmalek Droukdel.
L’opération s’est déroulée de jour. Avec la saison des pluies, les conditions météorologiques, ne laissent pas d’autre choix ce 3 juin. De couleur blanche, la voiture de l’émir et ses quatre accompagnateurs est à l’arrêt lorsque l’assaut est donné. Peut-être ont-ils décidé de bivouaquer. Une natte est étendue non loin. Les hommes sont à l’extérieur de leur véhicule tandis qu’une quinzaine de soldats des forces spéciales progressent discrètement vers eux, dissimulés dans les rochers. Un drone Reaper assure la surveillance et filme l’opération. Trois hélicoptères se tiennent en appui.
Lorsqu’ils ne sont plus qu’à quelques mètres, les échanges de coup de feu ne durent que quelques instants. Un des terroristes cherche à s’enfuir. Il sera capturé vivant, contrairement aux autres, dont Abdelmalek Droukdel et Toufik Chaïb, un autre cadre d’Aqmi, chargé de la propagande et de la coordination entre le RVIM et al-Qaida. « Dans ce genre d’opération, le but n’est pas de tuer », explique-t-on au sein de l’état-major. « Mais quand le combat démarre, nos forces voient des cailloux. Ils ne savent pas qui leur tire dessus. » Ils se défendent. « Nous prenons des assurances pour nos hommes. Les autres sont des combattants. Ce type d’individus ne se rend pas. C’est leur idéologie », raconte-t-on. Aucun blessé n’est à déplorer côté français. Le terroriste capturé, plus jeune, peut-être le chauffeur, a été interrogé par les militaires puis remis aux autorités maliennes pour qu’il soit jugé. Dans le campement, les forces ont pu saisir du matériel : ordinateur, téléphones… Leur exploitation est en cours. Après avoir été formellement identifié, le corps d’Abdelmalek Droukdel a été enterré sur les lieux, assure-t-on côté français.
Symboliquement forte, son élimination ne signifie pas un bouleversement du rapport de force sur le terrain ni un changement dans la stratégie de l’opération « Barkhane », qui a désigné l’EIGS comme ennemi principal et la zone des trois frontières comme zone d’action. Si l’émir d’Aqmi exerçait un magistère évident sur les troupes djihadistes, « sa mort ne change pas directement les choses au sein des alliances locales », souligne Elie Tenenbaum, spécialiste des questions de défense à l’Ifri. « L’homme fort » dans le Nord Mali s’appelle Iyad Ag Ghali, rappelle-t-il. S’il avait prêté allégeance à Droukdel, le combattant touareg n’a pas fermé la porte à des négociations de paix avec l’État malien.
>Cinq mois après le sommet de Pau, qui visait à redonner une impulsion à l’opération « Barkhane » menée depuis 2014 contre les groupes terroristes au Sahel, l’armée française peut revendiquer un succès majeur. La communication, plusieurs jours après les événements révélés par l’AFP vendredi, fait partie d’une stratégie : vis-à-vis de l’opinion publique, soucieuse de l’issue de la guerre, mais aussi vis-à-vis des terroristes, pour les avertir qu’aucun n’est à l’abri.
Nicolas BAROTTE
Le Figaro
12 juin 2020
Photo source : Etat-Major des Armées
Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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