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dimanche 3 novembre 2024

 

Madame la Ministre,
Je voudrais me permettre d’attirer votre attention sur la scandaleuse émission de France 2 diffusée à une heure de grande écoute, le 6 octobre dernier, intitulée «  décolonisations, du sang et des larmes ».

Il s’est agi d’un documentaire à thèse, indigne de la grande chaine de service public qui fonctionne sous votre autorité, en ce sens que la présentation qui a été faite de ce qu’a été l’action de la France dans ces territoires que nous avions au XIXe siècle entrepris de placer sous notre autorité, jette l’opprobre sur notre pays. La façon dont la colonisation française a été présentée ne peut qu’induire de la part des populations issues de nos anciennes colonies qui viennent s’installer aujourd’hui dans notre pays des sentiments de haine à notre égard, ce qui n’est évidemment pas de nature à faciliter leur intégration dans notre société. On ne comprend donc pas comment une chaine publique peut agir avec aussi peu de sens de ses responsabilités.

Il s’est agi, tout au cours de cette émission, de noircir à volonté le passé colonial de la France, sans que jamais, à aucun moment, il n’ait été fait la moindre mention de l’œuvre accomplie par nos aïeux dans tous ces pays, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. Tout au cours du documentaire il nous a été asséné que les colonisateurs que nous étions « exploitaient plus qu’ils ne mettaient en valeur », qu’ils « asservissaient plus qu’ils ne civilisaient », et que l’administration coloniale avait eu, partout et constamment, recours au travail forcé. On nous a chanté les louanges du film « Afrique 50 » réalisé par un communiste, un film on ne peut plus anticolonial qui a été interdit en France pendant plus de 40 ans et dont l’auteur, René Vautier, a été condamné à plusieurs mois de prison. Et on nous a expliqué que les infrastructures que nous mettions en place pour extraire ces pays de leur grave sous-développement étaient réalisées uniquement pour servir les intérêts de la métropole. On nous a montré de pauvres opprimés, victimes dans leur jeune âge d’avoir été contraints d’apprendre le français et que l’on avait obligés d’adopter notre civilisation : en somme, un asservissement tout à fait blâmable. En Asie, en Afrique, nos militaires se sont comportés comme des nazis, et une comparaison a même été faite avec Oradour sur Glane. On s’est ingénié à nous démontrer que ce pays qui est le nôtre a l’audace de s’enorgueillir hypocritement d’être la patrie des droits de l’homme alors qu’il n’a fait, dans tous ces pays, que « combattre la liberté ».

Il est désolant que rien n’ait été dit de tous les aspects positifs de notre action dans ces pays et il eut été utile de rappeler le sentiment qu’avaient tous les jeunes de notre pays qui s’engageaient avec fougue dans l’aventure coloniale de participer à une œuvre utile. On a volontairement oublié de citer les déclarations faites par Jules Ferry à l’Assemblée nationale, dans la séance parlementaire du 28 Juillet 1885. Le débat portait sur l’utilité pour notre pays d’avoir des colonies, ce à quoi Clemenceau s’opposait par souci d’économie, et c’est à cette occasion que Jules Ferry, ce fervent républicain laïque fit sa fameuse déclaration : « Il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles, de civiliser les races inférieures ». Il rappela à ses collègues que nous sommes allés à Alger « pour détruire la piraterie et assurer la liberté du commerce en Méditerranée », et, répondant au député Vernhes, il dit à propos de nos engagements en Afrique noire : « Est-ce que notre premier devoir n’est pas de combattre la traite des nègres, cet horrible trafic, et l’esclavage, cette infamie ? ».

On doit donc s’interroger : quelle était l’objectif d’un tel documentaire ? La France se trouve, aujourd’hui, confrontée au problème de savoir comment il convient de se comporter pour intégrer correctement dans la société tous ces nouveaux arrivants qui, pour un certain nombre d’entre eux, sont animés de vifs ressentiments à l’égard de notre pays. Les psychologues nous disent que le ressentiment induit de la haine, et celle-ci impulse un désir de vengeance. Les autorités du pays ne savent pas comment s’y prendre : on a imaginé que l’on se concilierait la sympathie de tous ces nouveaux arrivants en manifestant à leur égard de l’empathie : certes, mais la description qui a été faite dans cette émission de France Télévision de ce qu’a été notre comportement dans nos colonies, ne peut qu’attiser les rancœurs et valider les ressentiments de toutes ces personnes qui s’installent maintenant dans notre pays. Ces candidats à l’obtention de la nationalité française se trouvent grâce à ce type d’émission validés dans leurs sentiments d’hostilité à l’égard de notre pays. On ne comprend donc pas, Madame la Ministre, comment une chaine publique peut s’adonner à un travail aussi destructeur.

En espérant que vous partagerez notre point de vue au moment où notre gouvernement déploie tous les efforts possibles pour bien intégrer dans notre société tous ces ressortissants de nos anciennes colonies qui viennent s’installer chez nous, je vous prie de bien vouloir agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.

Claude Sicard
Auteur de « Le face à face islam chrétienté : quel destin pour l’Europe ? », et « L’islam au risque de la démocratie : préface de Malek Chebel » (Ed. François Xavier de Guibert)

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